SOMMAIRE

1- JEUNESSE ET FORMATION (1894-1918)

Entre le Japon , sa patrie ... vue de Yamagata ( île d'Honshu)

Masataka Taketsuru naît le 20 juin 1894 à Takehara, une ville côtière de la préfecture d’Hiroshima. Issu d’une famille d’artisans spécialisés dans la production de saké depuis plusieurs générations (1733) , il grandit au sein d’un environnement où la fermentation est une affaire sérieuse et familiale. Très tôt, il manifeste un intérêt marqué pour la chimie.

En 1916 ,juste avant de terminer son cursus universitaire, il est embauché par la distillerie  Settsu shuzō , spécialisée dans la production de saké et de shochu, qui avait le projet se lancer dans la production de whisky. Masataka a des atouts : il parle couramment l’anglais.

Cette même année  il est diplômé en chimie organique de l’Université d’Osaka (Osaka Technical High School, aujourd’hui l’Université d’Osaka), avec une spécialisation en fermentation. Sa passion pour les spiritueux l’oriente vers une mission singulière : apprendre les secrets de fabrication du whisky en Écosse.

... et l'Ecosse - vue d'Edinburgh

2- IMMERSION DANS LA TRADITION ÉCOSSAISE (1918-1920)

Madam ans sir Masataka  Taketsuru

La seconde guerre mondiale n'a pas été facile pour Rita. 

Envoyé par son employeur de l’époque, Settsu Shuzo, Taketsuru débarque à Glasgow fin 1918. Il s’inscrit à l’Université de Glasgow pour y suivre des cours de chimie appliquée, mais c’est surtout son apprentissage pratique qui marque un tournant historique. Il devient l’élève de Thomas Stewart Patterson, chimiste organique écossais, doyen de la faculté de chimie. Il effectue plusieurs stages dans des distilleries écossaises emblématiques, notamment :

 

  • Longmorn Distillery (Speyside)
  • Hazelburn Distillery (Campbeltown)
  • Bo’ness Distillery (Lowlands, distillation en colonne)

 

Ces expériences lui permettent d'acquérir une connaissance approfondie des techniques écossaises de maltage, de fermentation, de distillation en pot still et de vieillissement en fûts de chêne. Pendant tout ce temps, il est hébergé par la famille Cowan et fait la connaissance de Jessie Roberta Cowan (dite Rita) Ecossaise de 2 ans sa cadette. Ils se marient le 8 janvier 1920, malgré la forte opposition de sa famille.  Ils partent vivre à Campbeltown. Leur union surmonte les réticences culturelles de l’époque, et se révèlera déterminante pour sa trajectoire.

3-  RETOUR AU JAPON : 1ères EXPÉRIENCES PROFESSIONNELLES(1920-1934)

De retour au Japon avec son épouse , en novembre  1920, Taketsuru est confronté à la réorientation de Settsu Shuzo, qui abandonne son projet de whisky. En 1923 Il est recruté par Shinjiro Torii, fondateur de la société Kotobukiya (future Suntory), qui ambitionne de produire un whisky véritablement japonais.

Taketsuru devient ainsi le maître d’œuvre du premier whisky japonais authentique. Il supervise la construction de la distillerie de Yamazaki, choisie pour son climat humide, entre Osaka et Kyoto. Il y applique son savoir-faire écossais, bien que parfois contraint de s’adapter aux préférences du marché local.

En 1929 sort Shirofuda (White Label), le premier whisky japonais de style écossais – mais son profil tourbé déroute les consommateurs nippons.

Les divergences de vision avec Torii, notamment sur le style de whisky à produire et la direction commerciale, conduisent à son départ en 1934.

4- FONDATION DE NIKKA & DISTILLERIE DE YOICHI (1934–1945)

En 1934, Masataka Taketsuru fonde Dai Nippon Kaju Co., Ltd., qui deviendra plus tard Nikka Whisky. Il choisit d’établir sa propre distillerie à Yoichi, sur l’île d’Hokkaidō. Ce choix est fondé sur des critères rigoureux : un climat froid, des conditions proches de l’Écosse, une source d’eau pure et un accès à la tourbe locale.

La distillerie de Yoichi commence sa production en 1936, mais les premiers whiskies ne sont commercialisés qu’en 1940. La guerre ralentit les débuts de l’entreprise, mais Taketsuru maintient ses standards de qualité, produisant un whisky puissant, tourbé et distillé à feu nu.

5- EXPANSION DE NIKKA ET RECONNAISSANCE (1945–1979)

Après la guerre, la popularité du whisky au Japon croît rapidement. Nikka élargit sa gamme, modernise ses installations, et se dote d’une deuxième distillerie à Miyagikyo (préfecture de Miyagi) en 1969, fondée selon des critères complémentaires : un climat plus doux, un style plus léger et fruité.

Taketsuru reste à la tête de Nikka jusqu’en 1971, avant de prendre sa retraite. Il décède le 29 août 1979 à l’âge de 85 ans. Sa vie et son œuvre sont profondément liées à la naissance et à la légitimation du whisky japonais sur la scène mondiale.

6- HÉRITAGE ET POSTERITÉ

Masataka Taketsuru est aujourd’hui considéré comme le père du whisky japonais. Son portrait orne les bouteilles de Nikka, notamment le célèbre Yoichi Single Malt, qui perpétue son style.

Son approche rigoureuse de la distillation, son respect de l’authenticité écossaise alliée à une adaptation au terroir japonais, et son intégrité visionnaire font de lui une figure mythique. L’histoire de son couple avec Rita, popularisée par la série japonaise Massan (NHK, 2014), participe également à sa légende.

7- BIOGRAPHIE CHRONOLOGIQUE

  •  Origines et formation scientifique (1894–1918)

20 juin 1894:

Naissance à Takehara (préfecture d’Hiroshima), dans une famille productrice de saké depuis plusieurs générations. Ce cadre familial l’initie très tôt aux principes de fermentation.

1916 :

Obtient son diplôme de chimie organique à l’École supérieure technique d’Osaka (Osaka Technical High School), avec une spécialisation en fermentation. Il est alors recruté par Settsu Shuzo, une entreprise souhaitant développer une production nationale de whisky au Japon.

1918 :

Settsu Shuzo décide d’envoyer Taketsuru en Écosse pour y apprendre les méthodes traditionnelles de fabrication du whisky.

  • Immersion en Écosse (1918–1920)

Fin 1918 : Arrivée à Glasgow. Il s’inscrit à l’Université de Glasgow et suit des cours de chimie appliquée tout en effectuant des stages dans des distilleries.

1919 : Il se forme directement dans trois distilleries écossaises :

    • Longmorn (Speyside) : introduction au maltage traditionnel.
    • Hazelburn (Campbeltown) : expérience complète de production de single malt.
    • Bo’ness (Lowlands) : apprentissage de la distillation en colonne continue (coffey still).

1920, janvier : Épouse Jessie Roberta “Rita” Cowan, issue d’une famille écossaise. Leur mariage, inter-culturel et audacieux pour l’époque, forge un duo essentiel dans la future aventure Nikka.

  • Retour au Japon et première expérience chez Suntory (1920–1934)

Novembre 1920: Retour au Japon avec Rita. Settsu Shuzo abandonne son projet de whisky. Taketsuru est alors sans poste dans son domaine de spécialité.

1923 : Recruté par Shinjiro Torii, fondateur de Kotobukiya (future Suntory), pour créer la première distillerie de whisky du Japon : Yamazaki, située entre Osaka et Kyoto, sur un site sélectionné par Taketsuru pour son climat humide et sa pureté d’eau.

1924 : Début de la production à Yamazaki sous la direction technique de Taketsuru, qui y implante les procédés écossais de double distillation, de fermentation longue, et de vieillissement en fûts de chêne.

1929 : Lancement de Shirofuda (White Label), premier whisky japonais. Profil tourbé, trop intense pour le goût japonais de l’époque. Bien que critiqué commercialement, ce whisky est aujourd’hui reconnu comme fondateur.

1934 : Désaccords avec Torii sur le style à privilégier (Taketsuru est partisan d’un whisky authentiquement écossais et non adouci pour le marché japonais). Il quitte Suntory.

  • Fondation de Nikka et distillerie de Yoichi (1934–1945)

1934 : Fonde sa propre société : Dai Nippon Kaju Co., qui deviendra plus tard Nikka Whisky. Il choisit comme site la ville de Yoichi sur l’île d’Hokkaidō. Le climat y est froid, l’air marin proche, les ressources en eau abondantes – des conditions proches de l’Écosse.

1936 : Démarrage de la distillation à Yoichi, avec des pot stills chauffés au feu direct, une pratique écossaise authentique et risquée. Production de distillats puissants, marqués par la tourbe locale.

1940 : Lancement du premier whisky Nikka sur le marché japonais, en pleine période de restrictions économiques dues à la guerre. Nikka survive grâce à la diversification (jus de pommes, produits alimentaires), tout en conservant une production continue de whisky.

  • Expansion et reconnaissance nationale (1945–1969)

1945–1952 : Période de reconstruction. Le whisky gagne en popularité au Japon, notamment auprès des troupes américaines stationnées. Nikka renforce sa position en tant que second grand nom du whisky japonais.

1952 : L’entreprise prend officiellement le nom de Nikka Whisky Distilling Co., Ltd..

Années 1950–60 : Taketsuru perfectionne son style : distillats robustes à Yoichi, recours progressif aux chênes américains et espagnols, expérimentation avec des Coffey stills pour des whiskies plus souples.

1961 : Décès de Rita Taketsuru à 64 ans, son épouse et soutien indéfectible depuis 40 ans. Ce décès l’affecte profondément mais il poursuit son œuvre.

En 1963, Masataka fait importer deux alambics Coffey Still afin de distiller du grain qui entrera dans la composition des différents blends Nikka . Le premier  alambic est alors installé sur le site de Nishinomiya ( préfecture de Hiogo )

1969 : Fondation d’une seconde distillerie à Miyagikyo, dans la région de Sendai. Climat plus tempéré, style plus élégant. Les deux sites permettent à Nikka de créer des blended whiskies à forte personnalité, avec un éventail de styles plus vaste que chez Suntory à l’époque.

  • Fin de carrière et héritage (1970–1979)

1971 : Masataka Taketsuru se retire de la direction opérationnelle de Nikka, après près de 40 ans à la tête de la production japonaise.

29 août 1979: Décès à l’âge de 85 ans. Il laisse derrière lui un héritage monumental : une école japonaise du whisky, enracinée dans la tradition écossaise mais adaptée au terroir et aux sensibilités nippones.

  • Héritage et postérité

Surnommé au Japon "le père du whisky japonais", Masataka Taketsuru est devenu une figure emblématique, honorée tant par l'industrie que par les amateurs.

Son nom figure encore sur les bouteilles de Nikka, notamment Yoichi, Miyagikyo, et les blended Nikka From the Barrel ou Taketsuru Pure Malt, hommage direct à sa mémoire.

En 2014, sa vie et celle de Rita sont popularisées à travers le drama télévisé de la NHK "Massan", qui joue un rôle majeur dans la redécouverte du whisky japonais par le grand public.

La reconnaissance mondiale du whisky japonais dans les années 2000–2010, notamment via les récompenses internationales (WWA), doit beaucoup à la vision fondatrice de Taketsuru.

8- RÉFÉRENCES

Whisky japonais, la voie de l’excellence Brian Ashcraft et col. Synchronique éditions

Whisky Japonais de Anne Sophie Bigot Ed Larousse

 Le guide hachette des whiskies Martine Nouet 2017

les grands alambics-Masataka-Taketsuru-

Wikipedia- Masataka Taketsuru

Site Nikka. Histoire fondateur

Nikkawhisky.eu/fr/histoire-nikka/

Histoire du whisky japonais  par Uisuki